Jaloux du printemps - René-François Sully Prudhomme
Des saisons la plus désirée
Et la plus rapide, ô printemps,
Qu’elle m’est longue, ta durée !
Tu possèdes mon adorée,
Et je l’attends !
Ton azur ne me sourit guère,
C’est en hiver que je la vois ;
Et cette douceur éphémère,
Je ne l’ai dans l’année entière
Rien qu’une fois.
Mon bonheur n’est qu’une étincelle
Volée au bal dans un coup d’œil :
L’hiver passe, et je vis sans elle ;
C’est pourquoi, fête universelle,
Tu m’es un deuil.
J’ai peur de toi quand je la quitte :
Je crains qu’une fleur d’oranger,
Tombant sur son cœur, ne l’invite
À consulter la marguerite,
Et quel danger !
Ce cœur qui ne sait rien encore,
Couvé par tes tendres chaleurs,
Devine et pressent son aurore ;
Il s’ouvre à toi qui fais éclore
Toutes les fleurs.
Ton souffle l’étonne, elle écoute
Les conseils embaumés de l’air ;
C’est l’air de mai que je redoute,
Je sens que je la perdrai toute
Avant l’hiver.
1869 dans le recueil Les solitudes
Je suis René-François Sully Prudhomme, né en 1839 à Paris, et la poésie a toujours été mon moyen d’explorer les nuances de l’âme humaine. Dans mon poème « Jaloux du printemps », j’évoque la beauté de cette saison qui symbolise le renouveau et la joie, tout en exprimant un sentiment de mélancolie et de désir. J’ai toujours eu une sensibilité particulière aux émotions complexes, et ce poème en est un parfait exemple, reflétant mon ambivalence face à la beauté de la nature. En tant que premier lauréat du prix Nobel de littérature en 1901, j’ai cherché à marier l’esthétique et la réflexion, à travers un style élégant et précis. J’espère que mes mots touchent les cœurs et incitent les lecteurs à ressentir pleinement la magie du printemps, tout en contemplant les sentiments de jalousie et d’émerveillement que cette saison peut susciter. La poésie, pour moi, est une quête de vérité et de beauté à travers les mots.