Gaieté - Gérard de Nerval
Petit piqueton de Mareuil,
Plus clairet qu’un vin d’Argenteuil,
Que ta saveur est souveraine !
Les Romains ne t’ont pas compris
Lorsqu’habitant l’ancien Paris
Ils te préféraient le Surène.
Ta liqueur rose, ô joli vin !
Semble faite du sang divin
De quelque nymphe bocagère ;
Tu perles au bord désiré
D’un verre à côtes, coloré
Par les teintes de la fougère.
Tu me guéris pendant l’été
De la soif qu’un vin plus vanté
M’avait laissé depuis la veille ;
Ton goût suret, mais doux aussi,
Happant mon palais épaissi,
Me rafraîchit quand je m’éveille.
Eh quoi ! si gai dès le matin,
Je foule d’un pied incertain
Le sentier où verdit ton pampre !…
– Et je n’ai pas de Richelet
Pour finir ce docte couplet…
Et trouver une rime en ampre.
1853 – Odelettes
Je suis Gérard de Nerval, né en 1808, et ma poésie oscille entre la rêverie, la mélancolie et la quête de sens. Dans mon poème Gaieté, j’évoque l’été d’une manière légère, presque paradoxale, car la gaieté que je décris est celle d’un instant fugace, de la beauté qui s’épanouit et se retire en un souffle. L’été, pour moi, est cette période où la nature semble éclater de joie, mais où, dans le fond, il existe toujours une ombre de solitude, une quête qui persiste. À travers ce poème, j’essaie de saisir l’éphémérité de la vie, où chaque moment de bonheur est à la fois intense et fragile. J’aime que mes poèmes portent cette dualité : la beauté du monde et l’ombre du doute, la lumière de l’été et la profondeur de la pensée.