Mars - Sully Prudhomme
En mars, quand s’achève l’hiver,
Que la campagne renaissante
Ressemble à la convalescente
Dont le premier sourire est cher ;
Quand l’azur, tout frileux encore,
Est de neige éparse mêlé,
Et que midi, frais et voilé,
Revêt une blancheur d’aurore ;
Quand l’air doux dissout la torpeur
Des eaux qui se changeaient en marbres ;
Quand la feuille aux pointes des arbres
Suspend une verte vapeur ;
Et quand la femme est deux fois belle,
Belle de la candeur du jour,
Et du réveil de notre amour
Où sa pudeur se renouvelle,
Oh ! Ne devrais-je pas saisir
Dans leur vol ces rares journées
Qui sont les matins des années
Et la jeunesse du désir ?
Mais je les goûte avec tristesse ;
Tel un hibou, quand l’aube luit,
Roulant ses grands yeux pleins de nuit,
Craint la lumière qui les blesse,
Tel, sortant du deuil hivernal,
J’ouvre de grands yeux encore ivres
Du songe obscur et vain des livres,
Et la nature me fait mal.
1869 dans le recueil Les Solitudes
Je suis Sully Prudhomme, né en 1839 à Paris, et la poésie a toujours été ma manière d’explorer les émotions et les subtilités de la vie. Dans mon poème « Mars », je m’intéresse aux prémices du printemps et à la façon dont ce mois de transition apporte un mélange de renouveau et de mélancolie. J’ai toujours été sensible aux changements de la nature, et ce poème reflète ma fascination pour les premiers signes de vie qui émergent après l’hiver. Mon style, souvent riche et lyrique, vise à capter des sentiments profonds et à créer des images évocatrices. À travers mes vers, j’espère inviter les lecteurs à ressentir la beauté de chaque saison, et à apprécier le voyage entre l’hiver et le printemps. Pour moi, chaque poème est une célébration de la vie, et « Mars » incarne parfaitement cette délicate danse entre l’espoir et la nostalgie.