Du pont de la Tortière, un soir - Paul Fort
Chers lointains vaporeux sous ce couchant maudit fait de bronze et de
braises et d’un Phébus tout cuivre, le Pont de la Tortière où Zéphyr donne à
vivre, est-ce l’Arche infernale avant le Paradis ? Que cherche-t-il, ce parc ?
Eve ? Adam ? leurs petits ? ou nous-mêmes errant ?… Volons cueillir ses
fruits !… L’Erdre, fleuve du ciel, nous invite au voyage : c’est l’heure où les
canots flottent sur les nuages.
Publié en 1949 dans le recueil Ballades nantaises
Paul Fort, grand poète du symbolisme, pose un regard contemplatif et rêveur sur Nantes et ses paysages fluviaux. Dans Du pont de la Tortière, un soir, il transforme l’Erdre en un « fleuve du ciel », où les canots semblent voguer sur les nuages, portés par un coucher de soleil de bronze et de braises. Son écriture, à la fois lyrique et évocatrice, oscille entre réalité et imaginaire, donnant à la rivière une dimension presque mystique. Le Pont de la Tortière devient un seuil entre deux mondes, un passage entre l’ombre et la lumière, entre l’inquiétude et l’émerveillement. Fidèle à son style, Paul Fort joue avec les images et les rythmes pour faire de ce paysage nantais un tableau mouvant, où la nature et l’homme se croisent dans une harmonie fugace. Son poème est une invitation au voyage, à la rêverie, dans un Nantes baigné de mystère et de poésie.