Le printemps et l'automne - Pierre-Jean de Béranger

Deux saisons règlent toutes choses,

Pour qui sait vivre en s’amusant :

Au printemps nous avons les roses,

A l’automne un jus bienfaisant.

Les jours croissent, le cœur s’éveille ;

On fait le vin quand ils sont courts.

Au printemps, adieu la bouteille !

En automne, adieu les amours !

 

Mieux il vaudrait unir sans doute

Ces deux penchants faits pour charmer

Mais pour ma santé je redoute

De trop boire et de trop aimer.

Or, la sagesse me conseille

De partager ainsi mes jours :

Au printemps, adieu la bouteille !

En automne, adieu les amours !

 

Au mois de mai, j’ai vu Rosette,

Et mon cœur a subi ses lois.

Que de caprices la coquette

M’a fait essuyer en six mois !

Pour lui rendre enfin la pareille,

J’appelle octobre à mon secours.

Au printemps, adieu la bouteille !

En automne, adieu les amours !

 

Je prends, quitte et reprends Adèle,

Sans façons comme sans regrets.

Au revoir, un jour me dit-elle ;

Elle revient longtemps après.

J’étais à chanter sous la treille :

Ah ! dis-je l’année a son cours.

Au printemps, adieu la bouteille !

En automne, adieu les amours !

 

Mais il est une enchanteresse

Qui change à son gré mes plaisirs.

Du vin elle excite l’ivresse,

Et maîtrise jusqu’aux désirs.

Pour elle ce n’est pas merveille

De troubler l’ordre de mes jours,

Au printemps avec la bouteille,

En automne avec les amours.

 

Publié en 1843 dans le recueil Toutes les chansons de Béranger.

Portrait de Pierre-Jean de BérangerPierre-Jean de Béranger, chansonnier populaire du XIXe siècle, savait comme personne mêler poésie et esprit satirique pour toucher le cœur de ses contemporains. Dans Le printemps et l’automne, il joue sur l’opposition entre la jeunesse insouciante et la vieillesse mélancolique, une dualité qui traverse toute son œuvre. Si Nantes et la Loire ne sont pas directement évoquées, la métaphore des saisons résonne avec l’idée du fleuve comme témoin du temps qui passe, emportant avec lui les souvenirs et les illusions. Béranger, toujours proche du peuple, savait capturer les émotions simples avec une plume accessible et musicale. Ses vers, souvent empreints de nostalgie mais jamais dénués d’espoir, rappellent que, comme le printemps revient après l’automne, la vie suit son cycle inévitable. Un poète du quotidien, dont la poésie, entre tendresse et légèreté, a marqué son époque et continue de résonner aujourd’hui.

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