Magny, je ne puis voir un prodigue d’honneur - Joachim du Bellay
Magny, je ne puis voir un prodigue d’honneur,
Qui trouve tout bien fait, qui de tout s’émerveille,
Qui mes fautes approuve et me flatte l’oreille,
Comme si j’étais prince ou quelque grand seigneur.
Mais je me fâche aussi d’un fâcheux repreneur,
Qui du bon et mauvais fait censure pareille,
Qui se lit volontiers, et semble qu’il sommeille
En lisant les chansons de quelque autre sonneur.
Celui-là me déçoit d’une fausse louange,
Et gardant qu’aux bons vers les mauvais je ne change,
Fait qu’en me plaisant trop à chacun je déplais :
Celui-ci me dégoûte, et ne pouvant rien faire
Qu’il lui plaise, il me fait également déplaire
Tout ce qu’il fait lui-même et tout ce que je fais.
Publié en 1558 dans son recueil Les Regrets
Joachim du Bellay, souvent empreint de mélancolie et de réflexion sur le temps qui passe, livre dans Magny, je ne puis voir un prodigue d’honneur une méditation sur la vanité des ambitions humaines. Fidèle à son attachement à la Loire et à son héritage, il oppose ici la quête effrénée de gloire à une existence plus simple et enracinée, à l’image des paysages ligériens qu’il chérissait. Si Nantes n’est pas directement citée, elle s’inscrit dans cet univers de la vallée de la Loire, où le fleuve, plus que jamais, symbolise un retour aux valeurs essentielles. Dans cette poésie, du Bellay reste fidèle à son style humaniste : une plume élégante, une réflexion sur le destin et un profond attachement à la France, loin des illusions des grandes cours étrangères. Un poème qui résonne comme un écho à son célèbre Heureux qui, comme Ulysse…, célébrant les charmes du retour aux sources.