Quai de Versailles - Yves Cosson

Automne fidèle en sa saison

Le platane s’écale en plaques de Cordoue.

Dans la trémie des souvenirs de l’Août

Versons le sable de nos nuits,

Une noctuelle ponctue la nue,

L’embarcadère est encore pavoisé,

Nos voyages de noces ne finiront jamais…

 L’Île de Versailles impromptue

Se pavane dans une galerie des glaces

Cocasse et surannée,

Les laveuses à genoux dans leurs carrosses,

Sont princesses des maritornes.

Sur la passerelle à claire-voie

Les amoureux de Jonnelière

Jouent l’embarquement pour Cythère,

Mazerolles dans sa jaille

Engloutirait une autre nouvelle Ys.

Sous la Tortière l’Erdre s’enlise,

Dans le vertige mou des roseaux de marais

Les macres dansent à fleur d’eau

Polichinelles en demi-deuil.

« L’Espoir en Dieu », du sable dans les cales

Renâcle, halète et cale,

Le marinier barbu se prend pour un prophète :

« Dimanche est jour de fête ».

 

Publié en septembre 1959 dans le recueil Itinéraire poétique

Photographie d'Yves CossonYves Cosson, poète amoureux de Nantes et de ses rivières, saisit dans Quai de Versailles toute la poésie des bords de l’Erdre, entre mémoire et rêverie. Son écriture, à la fois élégante et mélancolique, fait revivre un temps où les laveuses, les mariniers et les amoureux animaient encore les quais. L’Île de Versailles y devient un décor presque irréel, un miroir d’eau où passé et présent se confondent. À travers les images d’un automne fidèle, d’une noctuelle traversant la nuit ou du sable des souvenirs, Cosson évoque avec délicatesse l’empreinte du temps sur la ville. Il célèbre la Loire et l’Erdre comme des témoins silencieux d’un Nantes à la fois populaire et poétique, où la modernité peine à effacer l’âme fluviale d’antan. Son regard sensible et nostalgique transforme chaque pont, chaque passerelle en un tableau vibrant de vie et de mémoire.

Panier
Retour en haut