À l’ennemie aimée - Renée Vivien

Tes mains ont saccagé mes trésors les plus rares,

Et mon cœur est captif entre tes mains barbares.

 

Tu secouas au vent du nord tes longs cheveux

Et j’ai dit aussitôt : Je veux ce que tu veux.

 

Mais je te hais pourtant d’être ainsi ton domaine,

Ta serve… Mais je sens que ma révolte est vaine.

 

Je te hais cependant d’avoir subi tes lois,

D’avoir senti mon cœur près de ton cœur sournois…

 

Et parfois je regrette, en cette splendeur rare

Qu’est pour moi ton amour, la liberté barbare…

 

Publié en 1910 dans le recueil Dans un coin de violettes

Portrait de Renée VivienRenée Vivien, née Pauline Mary Tarn à Londres en 1877, incarne une figure fascinante de la poésie francophone de la Belle Époque. Héritière d’une fortune familiale, cette Britannique au style profondément parnassien choisit Paris comme terre d’élection littéraire dès 1899, adoptant un pseudonyme qui scelle sa métamorphose artistique. Son œuvre, marquée par un lyrisme tourmenté, explore sans détour les paysages intimes de l’amour saphique à travers des recueils comme Études et préludes (1901) ou Cendres et poussières (1902). Le poème À l’ennemie aimée, publié à titre posthume en 1910 dans Dans un coin de violettes, condense son art du paradoxe amoureux : les vers « Tes mains ont saccagé mes trésors les plus rares, / Et mon cœur est captif entre tes mains barbares » traduisent avec une violence contenue les déchirements de sa relation tumultueuse avec Natalie Barney, tout en reflétant son obsession pour les passions destructrices. Cette tension entre soumission et révolte, érotisme et ascèse, traverse une production littéraire nourrie par ses voyages en Orient et son mysticisme tardif, jusqu’à sa mort prématurée à 32 ans, laissant une œuvre où se mêlent morbidité victorienne et flamboyance décadente.

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