Aimer, c'est de ne mentir plus - Anna de Noailles
Aimer, c’est de ne mentir plus.
Nulle ruse, n’est nécessaire
Quand le bras chaleureux enserre
Le corps fuyant qui nous a plu.
Crois à ma voix qui rêve et chante
Et qui construit ton paradis.
Saurais-tu que je suis méchante
Si je ne te l’avais pas dit ?
Faiblement méchante, en pensée,
Et pour retrouver par moment
Cette solitude sensée
Que j’ai reniée en t’aimant !
Publié en Recueil 1924 dans le recueil Poème de l’amour
Anna de Noailles (1876-1933), née princesse Bassaraba de Brancovan à Paris, incarne une voix poétique singulière où l’amour se mêle à une quête existentielle vibrante. D’origine roumaine et grecque, élevée dans un milieu cosmopolite et artistique, elle compose dès l’adolescence des vers marqués par un lyrisme sensuel et une introspection audacieuse. Son poème Aimer, c’est de ne mentir plus (1924) résume sa conception de l’amour comme pacte de vérité : « Nulle ruse n’est nécessaire / Quand le bras chaleureux enserre / Le corps fuyant qui nous a plu ». À travers ce recueil Poèmes de l’amour, elle transcende les conventions de son époque en associant passion charnelle et lucidité mélancolique, révélant les tensions entre élan amoureux et préservation de soi – « Cette solitude sensée / Que j’ai reniée en t’aimant ! ». Première femme commandeur de la Légion d’honneur, son œuvre explore inlassablement les paradoxes du désir, mêlant fougue romantique et modernité troublante, ce qui lui vaut l’admiration de Proust et Cocteau. Ses vers, où la sensualité le dispute à une angoisse métaphysique, assurent à ses thèmes amoureux une résonance intemporelle.