Baise m’encor, rebaise-moi et baise - Louise Labé

Baise m’encor, rebaise-moi et baise ;

Donne m’en un de tes plus savoureux,

Donne m’en un de tes plus amoureux :

Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.

 

Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j’apaise,

En t’en donnant dix autres doucereux.

Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux,

Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise.

 

Lors double vie à chacun en suivra.

Chacun en soi et son ami vivra.

Permets m’Amour penser quelque folie :

 

Toujours suis mal, vivant discrètement,

Et ne me puis donner contentement

Si hors de moi ne fais quelque saillie.

 

Publié en 1555 dans le recueil Sonnets

Portrait de Louise LabéLouise Labé, surnommée « la Belle Cordière » en raison de son mariage avec un marchand de cordes, naquit vers 1524 à Lyon dans une famille aisée qui lui offrit une éducation exceptionnelle pour une femme du XVI^e^ siècle. Maîtrisant le latin, l’italien et la musique, elle défia les conventions en pratiquant l’équitation et les arts martiaux, adoptant même des habits masculins. Figure centrale de l’École lyonnaise, son salon réunissait des intellectuels comme Maurice Scève, tandis que ses poèmes, publiés en 1555, révolutionnaient la littérature par leur expression audacieuse du désir féminin. Son sonnet « Baise m’encor, rebaise-moi et baise », extrait des Œuvres de Louise Labé Lyonnaise, incarne cette modernité : mêlant sensualité et revendication, le texte transforme le baiser en acte poétique libérateur, où la passion se décline en jeux de miroir entre les amants. Par son lyrisme charnel et son refus des « discrétions » imposées aux femmes, Labé transcende son époque, offrant une voix intemporelle à l’amour comme expérience totale du corps et de l’âme. Précurseure du féminisme, elle exhortait déjà ses contemporaines à « s’élever au-dessus des quenouilles » par l’écriture – un manifeste vivant à travers ces vers qui continuent de brûler les pages.

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