Belle et ressemblante - Paul Éluard
Un visage à la fin du jour
Un berceau dans les feuilles mortes du jour
Un bouquet de pluie nue
Tout soleil caché
Toute source des sources au fond de l’eau
Tout miroir des miroirs brisé
Un visage dans les balances du silence
Un caillou parmi d’autres cailloux
Pour les frondes des dernières lueurs du jour
Un visage semblable à tous les visages oubliés.
Publié en 1932 dans le recueil La Vie immédiate
Paul Éluard (1895–1952), de son vrai nom Eugène Grindel, est une figure majeure de la poésie surréaliste française dont les vers amoureux transcendent les époques. Marqué par sa rencontre avec Gala, rencontrée dans un sanatorium suisse alors qu’il luttait contre la tuberculose, il puise dans ses passions tumultueuses une inspiration brûlante, mêlant intimité et universalité. Adepte du mouvement surréaliste aux côtés d’André Breton, il explore l’amour comme force révolutionnaire, notamment dans Capitale de la douleur (1926), recueil où l’érotisme se teinte de métaphores oniriques. Son poème Belle et ressemblante, extrait de La Vie immédiate (1932), incarne cette alchimie : à travers des images comme « un visage dans les balances du silence » ou « un miroir des miroirs brisé », il capture l’essence fugace et pourtant éternelle de l’amour, où chaque être devient le reflet de l’autre. Même après les ruptures – comme son divorce avec Gala, qui inspira Dalí –, Éluard transforme la douleur en lignes lumineuses, faisant de sa poésie un dialogue sans âge entre passion individuelle et mémoire collective.