Ces liens d’or, cette bouche vermeille - Pierre de Ronsard

Ces liens d’or, cette bouche vermeille,

Pleine de lis, de roses et d’oeillets,

Et ces coraux chastement vermeillets,

Et cette joue à l’Aurore pareille ;

 

Ces mains, ce col, ce front, et cette oreille,

Et de ce sein les boutons verdelets,

Et de ces yeux les astres jumelets,

Qui font trembler les âmes de merveille,

 

Firent nicher Amour dedans mon sein,

Qui gros de germe avait le ventre plein

D’oeufs non formés qu’en notre sang il couve.

 

Comment vivrai-je autrement qu’en langueur,

Quand une engeance immortelle je trouve

D’Amours éclos et couvés en mon coeur ?

 

Publié en 1552 dans le recueil Le premier livre des Amours.

Portrait de Pierre de RonsardPierre de Ronsard (1524-1585), figure majeure de la Renaissance française et chef de file de la Pléiade, révolutionna la poésie amoureuse en mêlant érudition antique et lyrisme personnel. Issu d’une famille noble, il abandonna une carrière diplomatique prometteuse après une surdité précoce pour se consacrer à l’écriture, trouvant dans les mots un écho à ses passions. Son recueil Les Amours (1552), où figure le sonnet Ces liens d’or, cette bouche vermeille, incarne cette alchimie entre inspiration pétrarquiste et sensualité vibrante. Le poème, dédié à Cassandre Salviati, métamorphose la femme aimée en une constellation de métaphores naturelles — roses, lis, aurore — tout en explorant la dimension physique de l’amour comme force vitale et destructrice. Ronsard y dépeint Cupidon nichant dans son cœur, image audacieuse où le désir se fait « germe » et « œufs couvés dans le sang », fusionnant érotisme et métaphysique. Par son art du sonnet raffiné et ses antithèses entre éphémère et éternel, le poète érige l’expérience amoureuse en destin universel, influençant des générations d’écrivains jusqu’aux symbolistes. Même aujourd’hui, ces vers révèlent comment Ronsard, en prince des poètes, sut transformer le battement d’un cœur en rythme immortel.

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