Chère nuit - Alfred Bachelet
Voici l’heure bientôt
Derrière la colline
Je vois le soleil qui décline
Et cache ses rayons jaloux
J’entends chanter l’âme des choses
Et les narcisses et les roses
M’apportent des parfums plus doux!
Chère nuit aux clartés sereines
Toi qui ramènes
Le tendre amant
Ah! descends et voile la terre
De ton mystère
Calme et charmant
Mon bonheur renaît sous ton aile
Ô nuit plus belle
Que les beaux jours:
Ah! lève-toi! pour faire encore
Briller l’aurore
De mes amours!
Publié à une date inconnue
Alfred Bachelet (1864-1944), compositeur et chef d’orchestre français lauréat du Prix de Rome en 1890, cultiva une sensibilité poétique remarquable qui transparaît dans ses mélodies pour voix et piano. Bien que principalement connu pour ses opéras comme Sœroë ou Quand la cloche sonnera, c’est dans l’intimité de ses poèmes musicaux que s’exprime pleinement son romantisme teinté de symbolisme. Sa pièce Chère nuit, texte lyrique publié sans date précise mais caractéristique de son style fin-de-siècle, déploie une vision onirique de l’amour à travers un dialogue avec la nuit. Le poème transforme le crépuscule en allégorie sensuelle où « l’âme des choses » (v.4) et les « parfums plus doux » (v.6) annoncent les retrouvailles amoureuses. Cette évocation de la nuit « calme et charmante » (v.12) qui « voile la terre » (v.10) révèle sa maîtrise des correspondances entre paysage intérieur et extérieur, typique des héritiers de Baudelaire. Chef d’orchestre à l’Opéra-Comique et professeur au Conservatoire de Paris, Bachelet incarna cette dualité entre vie publique et introspection créatrice où l’amour reste le fil conducteur.