Du content en amours - Clément Marot
Là me tiendrai, où à présent me tien,
Car ma maîtresse au plaisant entretien
M’aime d’un cœur tant bon et désirable
Qu’on me devrait appeler misérable,
Si mon vouloir était autre que sien.
Et fusse Hélène au gracieux maintien
Qui me vînt dire : » Ami, fais mon cœur tien « ,
Je répondrais : » Point ne serai muable :
Là me tiendrai. «
Qu’un chacun donc voise chercher son bien
Quant est à moi, je me trouve très bien.
J’ai Dame belle, exquise et honorable.
Parquoi, fussé-je onze mil ans durable,
Au Dieu d’amour ne demanderai rien :
Là me tiendrai.
Publié en 1532 dans le recueil L’Adolescence clémentine
Né vers 1496 à Cahors et mort en 1544 à Turin, Clément Marot incarne la transition entre la poésie médiévale et la Renaissance française. Fils du poète Jean Marot, il grandit à la cour de François Iᵉʳ, où il devint valet de chambre et poète officiel, protégé par Marguerite de Navarre, sœur du roi. Marot, bien connu pour ses Épîtres et ses Épigrammes, marqua son époque par un style mêlant esprit facétieux et profondeur lyrique, notamment dans ses poèmes d’amour. Son « Du content en amours », publié au XVIᵉ siècle, illustre cette dualité : à travers une structure en rondeau, il célèbre la fidélité amoureuse avec une grâce ironique, déclarant « Là me tiendrai » comme un serment à sa bien-aimée, rejetant même les avances d’Hélène de Troie pour rester constant.
Ses sympathies pour la Réforme lui valurent exils et emprisonnements, mais son œuvre amoureuse, ancrée dans l’humanisme, transcende ces tumultes. Héritier de Villon et précurseur de la Pléiade, Marot renouvela les thèmes courtois en y insufflant une sincérité personnelle, comme dans L’Adolescence clémentine (1532), où l’amour se mêle à l’introspection. Ses poèmes, souvent mis en musique, circulaient dans les cercles aristocratiques, façonnant une vision de l’amour à la fois idéalisée et accessible. Aujourd’hui, « Du content en amours » reste un témoignage vibrant de l’élégance raffinée et de l’universalité des émotions qui traversent les siècles, prouvant que la passion, sous sa plume, n’a pas pris une ride.