La mésange - Guillaume Apollinaire
Les soldats s’en vont lentement
Dans la nuit trouble de la ville.
Entends battre mon cœur d’amant.
Ce cœur en vaut bien plus de milles
Puisque je t’aime éperdument.
Je t’aime éperdument, ma chère,
J’ai perdu le sens de la vie
Je ne connais plus la lumière,
Puisque l’Amour est mon envie,
Mon soleil et ma vie entière.
Écoute-le battre mon cœur !
Un régiment d’artillerie
En marche, mon cœur d’Artilleur
Pour toi se met en batterie,
Écoute-le, petite sœur.
Petite sœur je te prends toute
Tu m’appartiens, je t’appartiens,
Ensemble nous faisons la route,
Et dis-moi de ces petits riens
Qui consolent qui les écoute.
Un tramway descend vitement
Trouant la nuit, la nuit de verre
Où va mon coeur en régiment
Tes beaux yeux m’envoient leur lumière
Entends battre mon coeur d’amant.
Ce matin vint une mésange
Voleter près de mon cheval.
C’était peut-être un petit ange
Exilé dans le joli val
Où j’eus sa vision étrange.
Ses yeux c’était tes jolis yeux,
Son plumage ta chevelure,
Son chant les mots mystérieux
Qu’à mes oreilles on susurre
Quand nous sommes bien seuls, tous deux
Dans le vallon j’étais tout blême
D’avoir chevauché jusque-là.
Le vent criait un long poème
Au soleil dans tout son éclat.
Au bel oiseau j’ai dit « Je t’aime ! »
Nîmes, le 2 février 1915
Publié en 1955 dans le recueil Poèmes à Lou
Guillaume Apollinaire (1880-1918), poète français d’origine italo-polonaise, incarne l’union entre l’avant-garde littéraire et l’expression intime de l’amour. Figure majeure du cubisme et précurseur du surréalisme, il révolutionna la poésie par des innovations formelles comme les calligrammes, tout en explorant les profondeurs du sentiment amoureux avec une intensité romantique. Ses Poèmes à Lou, écrits pendant la Première Guerre mondiale pour son amante Louise de Coligny-Châtillon, révèlent une sensibilité où l’ardeur érotique se mêle à la mélancolie de la séparation. Le poème La mésange (1915), publié à titre posthume en 1955, illustre cette alchimie : une mésange devient la métaphore de la bien-aimée, ses plumes évoquant sa chevelure, son chant rappelant les murmures amoureux. Apollinaire y dépeint l’amour comme une force transcendante, capable de métamorphoser la brutalité de la guerre en instants de grâce — le cœur-soldat « en batterie » pour sa « petite sœur » aimée, le vent hurlant transformé en « long poème » sous le soleil éclatant. Cette œuvre, comme Le Pont Mirabeau ou La Chanson du mal-aimé, témoigne d’une quête éternelle où le désir se heurte à la fuite du temps, solidifiant son statut de chantre des passions intemporelles.
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