Ma seule amour que tant désire - Charles d'Orléans
Ma seule amour que tant désire,
Mon réconfort, mon doux penser,
Belle nonpareille, sans per,
Il me déplaît de vous écrire.
Car j’aimasse mieux à le dire
De bouche, sans le vous mander,
Ma seule amour que tant désire,
Mon réconfort, mon doux penser !
Las ! or n’y puis-je contredire ;
Mais Espoir me fait endurer,
Qui m’a promis de retourner
En liesse, mon grief martyre,
Ma seule amour que tant désire !
Publié au XVème siècle dans le recueil Chansons.
Né en 1394 dans une famille royale – fils de Louis d’Orléans et neveu de Charles VI –, Charles d’Orléans incarne une figure à la fois tragique et lumineuse de la poésie médiévale. Capturé à la bataille d’Azincourt en 1415, il passa vingt-cinq ans en captivité en Angleterre, une épreuve qui nourrit son œuvre d’une mélancolie raffinée. C’est dans l’isolement de sa geôle anglaise qu’il composa une partie de ses poèmes d’amour, mêlant douleur de la séparation et espérance tenace. Son Chansons, recueil publié au XVᵉ siècle, rassemble des pièces comme Ma seule amour que tant désire – rondeau où le désir se heurte à l’absence. « Il me déplaît de vous écrire / Car j’aimasse mieux à le dire » : ces vers traduisent l’intimité déchirée d’un homme contraint à l’exil, dialoguant avec l’espoir comme unique consolation. Paradoxalement, sa condition de prisonnier politiquement impuissant libéra une voix poétique universelle. Mariant traditions courtoises (ballades, rondeaux) et innovations lyriques, ses textes transcendent leur époque par leur exploration intime des tourments amoureux. Même vieilli, retiré à Amboise après 1440, il conserva cette fraîcheur émotionnelle qui, six siècles plus tard, rend ses déclarations d’amour aussi vibrantes.