Mère glorieuse - Nérée Beauchemin
Viens entre les bras de ta mère,
Viens, tes beaux grands yeux dans les siens,
À son épaule, à ta manière,
Nouer tes doigts de rose. Viens!
Viens! Que ta bouche sur sa bouche
Dépose un baiser triomphant:
Que l’âme de ta mère touche
À ta divine âme d’enfant.
Son coeur est glorieux d’entendre
Ton coeur de française, ton coeur,
Dans une poitrine si tendre,
Battre d’un rythme aussi vainqueur.
Son corps frémit de fibre en fibre,
Et vibre, à chaque battement,
Comme à la moindre touche, vibre
Un harmonieux instrument.
Prophétesse de ton aurore,
Ta mère sait ce qu’elle sent,
Dans le bruissement sonore,
Dans l’allégresse de ton sang.
Coeur de son coeur, tu lui fais croire
À la richesse du Seigneur
Qui lui donne une telle gloire,
Et lui promet un tel bonheur.
Coeur de son coeur, que ta pensée,
Radieuse, vibre toujours,
Idéalement cadencée,
À l’unisson de ses amours.
Accomplis tout ce que réclame
La noblesse de tes aïeux,
Pour être, ici-bas, grande dame,
Et, grande sainte, dans les cieux.
Publié en 1928 dans le recueil Patrie Intime
Nérée Beauchemin (1850–1931), médecin et poète québécois né à Yamachiche, incarne une sensibilité littéraire ancrée dans l’intimité familiale et la foi catholique. Bien connu pour ses Floraisons matutinales (1897) et Patrie intime (1928), il explore dans ce dernier recueil des thèmes universels, dont l’amour maternel, à travers des vers d’une simplicité touchante. Le poème Mère glorieuse, publié en 1928, illustre cette tendresse intemporelle en dépeignant la relation fusionnelle entre une mère et son enfant. Les images d’étreintes, de baisers triomphants et de cœurs vibrants révèlent une spiritualité liée à la famille, où l’amour terrestre se mêle à une promesse divine de bonheur. Médecin de campagne discret, Beauchemin puise dans son quotidien rural une poésie sobre, célébrant autant la « terre natale » que les liens sacrés du foyer. Bien que rattaché aux « poètes du terroir », son œuvre transcende les frontières régionales par son lyrisme universel, couronné par la médaille de l’Académie française en 1930. Mère glorieuse reste un témoignage émouvant de cette alchimie entre dévotion maternelle et élévation mystique.