Plût-il à Dieu n’avoir jamais tâté - Pierre de Ronsard
Plût-il à Dieu n’avoir jamais tâté
Si follement le tétin de m’amie !
Sans lui vraiment l’autre plus grande envie,
Hélas ! ne m’eût, ne m’eût jamais tenté.
Comme un poisson, pour s’être trop hâté,
Par un appât, suit la fin de sa vie,
Ainsi je vois où la mort me convie,
D’un beau tétin doucement apâté.
Qui eût pensé, que le cruel destin
Eût enfermé sous un si beau tétin
Un si grand feu, pour m’en faire la proie ?
Avisez donc, quel serait le coucher
Entre ses bras, puisqu’un simple toucher
De mille morts, innocent, me froudroie.
Publié en 1552 dans le recueil Le premier livre des Amours.
Pierre de Ronsard, né en 1524 et mort en 1585, fut l’un des poètes les plus influents de la Renaissance française. Issu d’une famille noble, il renonça aux études de droit pour se consacrer à la poésie, devenant un pilier de la Pléiade, un groupe d’écrivains visant à moderniser la langue française en s’inspirant des modèles antiques. Ses Amours, publiés en 1552, célèbrent avec sensualité et mélancolie la beauté féminine éphémère, comme dans Plût-il à Dieu n’avoir jamais tâté, où il évoque les dangers passionnés de l’amour à travers des métaphores charnelles (« Comme un poisson […] suit la fin de sa vie / Ainsi je vois où la mort me convie »). Bien que souvent associé à des thèmes lyriques, Ronsard mêle intimité et métaphysique, immortalisant l’émotion amoureuse comme une force à la fois enivrante et destructrice. Ses vers, marqués par une musicalité raffinée et une émotion brute, traversent les siècles, faisant de lui un maître incontesté de l’intemporel en poésie d’amour.