Pour toujours ! - François Coppée
L’espoir divin qu’à deux on parvient à former
Et qu’à deux on partage,
L’espoir d’aimer longtemps, d’aimer toujours, d’aimer
Chaque jour davantage ;
Le désir éternel, chimérique et touchant,
Que les amants soupirent,
A l’instant adorable où, tout en se cherchant,
Leurs lèvres se respirent ;
Ce désir décevant, ce cher espoir trompeur,
Jamais nous n’en parlâmes ;
Et je souffre de voir que nous en ayons peur,
Bien qu’il soit dans nos âmes.
Lorsque je te murmure, amant interrogé,
Une douce réponse,
C’est le mot : – Pour toujours ! – sur les lèvres que j’ai,
Sans que je le prononce ;
Et bien qu’un cher écho le dise dans ton cœur,
Ton silence est le même,
Alors que sur ton sein, me mourant de langueur,
Je jure que je t’aime.
Qu’importe le passé ? Qu’importe l’avenir ?
La chose la meilleure,
C’est croire que jamais elle ne doit finir,
L’illusion d’une heure.
Et quand je te dirai : – Pour toujours ! – ne fais rien
Qui dissipe ce songe,
Et que plus tendrement ton baiser sur le mien
S’appuie et se prolonge !
Publié en 1892 dans le recueil Le cahier rouge.
François Coppée, né à Paris en 1842, incarne l’âme romantique de la poésie française du XIXᵉ siècle. Poète, dramaturge et romancier, il a captivé les lecteurs par ses vers empreints de sensibilité et d’humanité, explorant l’amour, les humbles et la vie quotidienne avec une simplicité touchante. Après des débuts parnassiens, son style évolue vers une poésie intime et lyrique, comme en témoigne Le Cahier rouge (1892), où figure le poème Pour toujours !. Ce texte, qui chante l’illusion éternelle de l’amour malgré sa fragilité, résume sa vision : « L’espoir d’aimer longtemps, d’aimer toujours », évoquant une quête d’éternité dans les étreintes des amants. Élu à l’Académie française en 1884, Coppée a marqué son époque par des œuvres comme Le Pater ou Les Humbles, où il mêle patriotisme et tendresse pour les déshérités. Son génie réside dans sa capacité à transmuter l’éphémère en éternel, comme dans Pour toujours !, où chaque baiser devient un serment contre le temps. Mort en 1908, il reste une voix poétique qui célèbre l’amour intemporel, entre rêve et réalité, avec une émotion qui défie les siècles.