Résurrection - Renée Vivien
Et je t’aime ! Et voici que s’épand dans mes moëlles
Miraculeusement la clarté des étoiles,
Belle que je choisis pour Reine des étoiles !
Me voici revenue à la vie, à l’amour
Qui transfigure en or les choses d’alentour,
Au charme du poème, au rire de l’amour.
Tantôt je m’enfonçais dans l’horreur des ténèbres
Et je portais en moi des visions funèbres
Ah ! l’horreur, ah ! l’horreur tenace des ténèbres !
Mais voici le matin… Nous voici toutes deux
Vivantes… C’en est fait de mes songes hideux.
Comme par le passé, Chère, nous sommes deux.
Ô bonheur de me voir revenue à la vie !
Car l’aurore s’est faite en mon âme ravie ;
Miraculeusement, je vois rire la vie !…
Voici que l’univers me donne moins d’effroi,
Très chère, puisque enfin me voici près de toi,
Et je n’ai plus d’angoisse et je n’ai plus d’effroi !
Publié en 1910 dans le recueil Dans un coin de violettes
Renée Vivien, de son vrai nom Pauline Mary Tarn, fut une poétesse française du début du XXᵉ siècle dont l’œuvre s’illustre par une exploration intime et sensuelle de l’amour, notamment sous sa forme saphique. Née en 1877, elle adopta son pseudonyme en hommage au poète anglais Ralph Waldo Vivien, marquant dès lors son attachement à une esthétique littéraire raffinée. Son existence, marquée par une relation passionnée avec la romancière Natalie Clifford Barney, nourrit ses vers de tendresse et de mélancolie, comme en témoigne Résurrection, poème emblématique du recueil Dans un coin de violettes (1910).
Ce poème célèbre le renouveau amoureux à travers des images cosmiques et vitalistes : « Miraculeusement la clarté des étoiles » évoque un éveil spirituel tandis que « l’aurore s’est faite en mon âme ravie » souligne une renaissance intérieure. Vivien oppose avec poésie les « ténèbres » angoissants à la « vie » qui « me donne moins d’effroi » grâce à la présence aimée, métaphorisant l’amour comme force libératrice. Son style, mêlant richesse lexicale et musicalité, transcende les époques, offrant à chaque génération une méditation sur la puissance régénératrice des sentiments. Malgré une vie éphémère (elle meurt à 32 ans), son héritage poétique persiste comme un hommage éternel à l’amour qui « transfigure en or les choses d’alentour ».