Sonnet à Marie - Pierre de Ronsard

Je vous envoie un bouquet que ma main

Vient de trier de ces fleurs épanouies ;

Qui ne les eût à ce vêpres cueillies,

Chutes à terre elles fussent demain.

Cela vous soit un exemple certain

Que vos beautés, bien qu’elles soient fleuries,

En peu de temps cherront, toutes flétries,

Et, comme fleurs, périront tout soudain.

Le temps s’en va, le temps s’en va, ma dame

Las ! le temps, non, mais nous nous en allons,

Et tôt serons étendus sous la lame ;

Et des amours desquelles nous parlons,

Quand serons morts, n’en sera plus nouvelle.

Pour c’aimez-moi cependant qu’êtes belle.

Publié en 1555 dans le recueil Continuation des Amours

Portrait de Pierre de RonsardPierre de Ronsard (1524-1585), chef de file de la Pléiade, a marqué la Renaissance française par ses poèmes d’amour mêlant lyrisme et philosophie. Issu d’une famille noble, ce Vendômois destinait à une carrière diplomatique se tourne vers la poésie après une surdité précoce. Son Sonnet à Marie (1555), extrait des Continuation des Amours, incarne parfaitement sa vision du carpe diem : offrant un bouquet de fleurs à sa muse, il compare leur éclat éphémère à la beauté humaine, pressant Marie de « cueillir » l’amour avant que le temps ne les emporte. Avec ses quatrains structurés en ABBA et ses tercets variés, le poète transforme un thème antique en une méditation intime sur la mortalité, où le célèbre refrain « Le temps s’en va […] mais nous nous en allons » résonne comme un appel universel à l’audace sentimentale. Mariant influences pétrarquistes et images naturelles, Ronsard érige l’instant amoureux en défi poétique contre l’oubli, une signature qui explique pourquoi quatre siècles plus tard, ses vers continuent de hanter les anthologies.

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