Un soir d’été - Guillaume Apollinaire

Le Rhin

Qui coule

Un train

Qui roule

 

Des nixes blanches

Sont en prière

Dans la bruyère

 

Toutes les filles

À la fontaine

J’ai tant de peine

 

J’ai tant d’amour

Dit la plus belle

Qu’il soit fidèle

 

Et moi je l’aime

Dit sa marraine

J’ai la migraine

 

À la fontaine

J’ai tant de haine

 

Publié en 1901-02 dans le recueil Le Rhin

Portrait de Guillaume ApollinaireGuillaume Apollinaire, figure majeure de la poésie du début du XXᵉ siècle, a marqué les lettres françaises par sa capacité à fusionner modernité et lyrisme traditionnel dans ses poèmes d’amour. Né à Rome en 1880 sous le nom de Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky, ce poète aux origines polono-italiennes développe une sensibilité unique où le motif fluvial du Rhin devient une métaphore récurrente des passions humaines. Son poème Un soir d’été, extrait du recueil Le Rhin (1901-1902), illustre cette alchimie entre image classique et rupture formelle avec ses vers courts et son rythme syncopé évoquant le mouvement du train.

À travers le dialogue entre la jeune fille éplorée et sa marraine migraineuse, Apollinaire capture l’universalité des tourments amoureux – désir, jalousie et quête de fidélité – tout en intégrant des éléments fantastiques (comme les nixes, ces nymphes aquatiques germaniques). Ce texte révèle sa fascination pour les mythologies transfrontalières et annonce déjà les audaces calligrammatiques à venir. Blessé durant la Grande Guerre, le poète disparu en 1918 laisse une œuvre où l’amour se révèle à la fois blessure et source de création, traversant les siècles par sa puissance évocatrice.

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