Une promenade au Jardin des Plantes - Alfred de Musset

Sous ces arbres chéris, où j’allais à mon tour

Pour cueillir, en passant, seul, un brin de verveine,

Sous ces arbres charmants où votre fraîche haleine

Disputait au printemps tous les parfums du jour ;

 

Des enfants étaient là qui jouaient alentour ;

Et moi, pensant à vous, j’allais traînant ma peine ;

Et si de mon chagrin vous êtes incertaine

Vous ne pouvez pas l’être au moins de mon amour.

 

Mais qui saura jamais le mal qui me tourmente ?

Les fleurs des bois, dit-on, jadis ont deviné !

Antilope aux yeux noirs, dis, quelle est mon amante ?

 

Ô lion, tu le sais, toi, mon noble enchaîné ;

Toi qui m’as vu pâlir lorsque sa main charmante

Se baissa doucement sur ton front incliné.

 

Publié au XIXème siècle dans le recueil Poésies complémentaires.

Portrait d'Alfred de mussetAlfred de Musset (1810-1857), figure emblématique du romantisme français, a marqué la littérature par sa poésie lyrique où l’amour, souvent teinté de mélancolie, occupe une place centrale. Issu d’une famille aristocratique parisienne, ce dandy au destin tourmenté puise dans ses passions tumultueuses – notamment sa liaison orageuse avec George Sand – une inspiration brûlante qui alimente ses vers. Son poème Une promenade au Jardin des Plantes, publié au XIXᵉ siècle dans Poésies complémentaires, incarne cette alchimie entre souffrance intime et lyrisme amoureux. À travers un sonnet structuré, Musset y dépeint une scène bucolique où la nature devient confidente de ses tourments : les arbres, les fleurs et même un lion captif témoignent silencieusement de sa passion non partagée. Le jardin, espace à la fois public et intime, sert de décor à cette confidence voilée, mêlant images printanières (« brin de verveine », « parfums du jour ») et aveux d’une douleur persistante (« traînant ma peine »). Ce texte, où l’amant éconduit interroge les éléments naturels comme des complices, illustre la quête mussétienne d’éternité à travers l’émotion poétique – une tentative de sublimer les déchirures du cœur en vers immortels.

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