Neiges - Saint-John Perse
Et puis vinrent les neiges, les premières neiges de l’absence, sur les grands lés tissés du songe et du réel ; et toute peine remise aux hommes de mémoire, il y eut une fraîcheur de linges à nos tempes.
Et ce fut au matin, sous le sel gris de l’aube, un peu avant la sixième heure, comme en un havre de fortune, un lieu de grâce et de merci où licencier l’essaim des grandes odes du silence.
Et toute la nuit, à notre insu, sous ce haut fait de plume, portant très haut vestige, et charge d’âmes, les hautes villes de pierre ponce forées d’insectes lumineux n’avaient cessé de croître et d’exceller, dans l’oubli de leur poids.
Et ceux-là seuls en surent quelque chose, dont la mémoire est incertaine et le récit est aberrant. La part que prit l’esprit à ces choses insignes, nous l’ignorons.
En 1944
Je suis Saint-John Perse, poète diplomate né en 1887 aux Antilles françaises. Mes œuvres, telles que Anabase et Amers, traversent le temps et l’espace, s’inspirant de mes expériences diplomatiques et de mes voyages. Mon écriture célèbre la force de la nature et explore la condition humaine à travers un style épique et libre, souvent qualifié de « poésie cosmique. » En 1960, j’ai reçu le prix Nobel de littérature, une reconnaissance qui honore la quête d’un langage universel où se mêlent exotisme, spiritualité et symbolisme.