Le Pardon de la Palud - Joseph Rousse
Sur les dunes, parmi des tentes innombrables,
Autour d’une chapelle, au brûlant soleil d’août,
Tout un peuple qui prie en silence est debout ;
On n’entend que la mer se brisant sur les sables.
Douze tambours soudain battent un roulement ;
Du clocher de granit s’élasce une volée ;
Et voilà qu’à travers la foule amoncelée
Des bannières, des croix, s’avancent lentement.
Salut, vieux étendards ! Salut, dômes gothiques !
Saints bretons, bénissez votre peuple à genoux !
Avec ses longs cheveux et ses habits antiques,
Si riches au soleil, le reconnaissez-vous ?
C’est lui, toujours fidèle à sa vieille croyance,
Et dans ses maux tournant son regard vers les cieux
C’est lui, toujours fidèle à la voix des aïeux,
Et fermant son oreille aux bruits venus de France.
Oui ne vous admirait, vierges au doux maintien,
filles de Plonevez, dans vos robes dorées,
Portant votre Patronne avec un air chrétien,
Graves comme sainte Anne, et comme elle parées?
Quand parmi le clergé brilla la châsse d’or,
Les aveugles tendaient leurs mains vers les reliques ;
Ils poussaient des sanglots, et les paralytiques,
Prosternés, imploraient le merveilleux trésor.
Douze vieux paysans, jadis soldats de France,
Ebranlaient la vallée aux éclats des tambours.
Les pèlerins suivaient, en multitude immense,
Fît ce jour-là je vis la foi des anciens jours.
A l’ombre des ormeaux, auprès de la chapelle,
Quelques hommes venus de lointaines cités,
Des Français, avec soin du soleil abrité,
Regardaient en riant cette fête si belle.
Ils repoussaient du pied, tout remplis de dégoûts,
Les infirmes traînant devant eux leurs ulcères ;
Ils juraient pour répondre au langage si doux
Des enfants demi-nus quêtant avec leurs mères.
Sceptiques au cœur froid, ce peuple vous connaît !
Raillez sa foi sublime, il vous laissera dire ;
A ses Pardons longtemps vos enfants pourront rire ;
Si vous riez toujours, sa foi toujours renaît.
Date de publication inconnue
Joseph Rousse, poète breton du XIXe siècle, est particulièrement connu pour ses œuvres inspirées de la Bretagne, de ses légendes et de son patrimoine historique. Dans son poème Le Pardon de la Palud, il dépeint avec émotion une scène de pèlerinage breton, où des foules se rassemblent en silence autour de la chapelle, en prière. Rousse met en lumière la fidélité du peuple breton à sa foi et à ses traditions anciennes, qu’il défend face aux critiques des citadins indifférents ou moqueurs. À travers des images puissantes de dévotion, de processions et de paysages bretons, il rend hommage à la force spirituelle et à la culture de sa région. Rousse utilise sa poésie pour célébrer l’héritage religieux et populaire de la Bretagne, tout en soulignant la beauté de ses coutumes et la profondeur de sa foi.