À ma Bretagne - Sophie Hüe
Viens, ma Bretagne chérie,
Viens te mirer dans mes vers,
Avec ta lande fleurie,
Tes grands sapins toujours verts ;
Tes bruyères, tes silènes,
La neige de tes blés noirs,
L’été blanchissant tes plaines,
Autour de tes vieux manoirs ;
Tes belles filles accortes,
Cœurs chastes, fronts rougissants,
Debout sur le seuil des portes,
Disant bonjour aux passants ;
Tes gars têtus et robustes,
Que Paris n’attire pas,
Laboureurs aux larges bustes,
Gais marins, vaillants soldats ;
Tes vieillards, la foi dans l’âme,
Tes matrones d’autrefois,
Qui sur le pain qu’on entame
Font le signe de la croix.
Donne, ma Bretagne antique,
A ces vers de toi remplis
Le charme mélancolique
De tes doux horizons gris,
De tes grèves aux joncs rosés,
Où le vent du gouffre amer
Vient murmurer tant de choses
Dans les rumeurs de la mer.
Mêlés de rayons et d’ombres,
Qu’ils gardent dans leur essor
La fraîcheur de tes bois sombres,
Les parfums de tes fleurs d’or.
Donne-leur la grâce fière
Qu’imprimèrent les aïeux
A la dentelle de pierre
De tes clochers merveilleux.
Sache que pour toi je prie,
Que, sans regret ni désir,
Je t’aurais pour ma patrie
Choisie, en pouvant choisir.
Par Dieu bientôt réclamée,
Je mets mon espoir en toi,
Et pour t’avoir tant aimée,
O ma Bretagne, aime-moi.
Je ne cherche pas la gloire
Des poètes en renom,
Mais un coin dans ta mémoire,
Où demeure écrit mon nom.
Date de publication inconnue
Sophie Hüe, poétesse méconnue mais profondément attachée à sa Bretagne natale, compose avec À ma Bretagne un véritable chant d’amour à cette terre de traditions et de contrastes. Dans ses vers empreints de tendresse et de fierté, elle peint un paysage vivant, entre landes fleuries, manoirs ancestraux et clochers sculptés par le temps. Elle évoque un peuple solide et fidèle à ses racines : marins et laboureurs, filles au regard franc et vieillards empreints de sagesse. Son poème, à la fois prière et déclaration, capte l’essence même de l’âme bretonne, ce mélange subtil de mélancolie et de grandeur. À travers ses images poétiques, on ressent le souffle du vent sur les grèves et l’écho des vagues murmurant des légendes oubliées. Plus qu’un simple poème, À ma Bretagne est une promesse d’attachement indéfectible à une terre aimée jusqu’au dernier souffle.