Serment - François Coppée
O poète trop prompt à te laisser charmer,
Si cette douce enfant devait t’être ravie
Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
Ne pouvait pas pour toi frémir et s’animer ?
N’importe ! ses yeux seuls ont su faire germer
Dans mon âme si lasse et de tout assouvie
L’amour qui rajeunit, console et purifie,
Et je devrais encor la bénir et l’aimer.
Heureux ou malheureux, je lui serai fidèle ;
J’aimerai ma douleur, puisqu’elle viendra d’elle
Qui chassa de mon sein la honte et le remord.
Vierge dont les regards me tiennent sous leurs charmes,
Si tu me fais pleurer, je bénirai mes larmes,
Si tu me fais mourir, je bénirai la mort !
Publié en 1877 dans le recueil L’Exilée
François Coppée, né à Paris en 1842, est un poète et dramaturge français dont l’œuvre mêle simplicité et profondeur émotionnelle. Initié au Parnasse, il évolue vers une poésie intime et lyrique, capturant l’essence de la vie quotidienne et des sentiments humains. Son recueil L’Exilée (1877), dont fait partie Serment, illustre cette tendance à explorer l’amour avec une intensité à la fois personnelle et universelle. Dans ce poème, Coppée incarne un amour inconditionnel, jurant fidélité même face à la douleur et à la mort, reflétant une quête de transcendance à travers l’émotion brute. Élu à l’Académie française en 1884, il incarne un pont entre le classicisme et l’expression romantique, faisant de ses vers un écho durable des passions humaines. Son héritage réside dans cette capacité à immortaliser l’intime, comme en témoigne Serment, où l’enjeu n’est pas la grandiloquence, mais la vérité nue des sentiments, traversant les siècles avec une fraîcheur intacte.