D’un vanneur de blé aux vents - Joachim du Bellay

A vous, troupe légère,

Qui d’aile passagère

Par le monde volez,

Et d’un sifflant murmure

L’ombrageuse verdure

Doucement ébranlez,

 

J’offre ces violettes,

Ces lis et ces fleurettes,

Et ces roses ici,

Ces vermeillettes roses,

Tout fraîchement écloses,

Et ces oeillets aussi.

 

De votre douce haleine

Éventez cette plaine,

Éventez ce séjour,

Cependant que j’ahanne

A mon blé que je vanne

A la chaleur du jour.

 

Publié en 1558 dans le recueil Divers jeux rustiques.

Portrait de Joachim du BellayJoachim du Bellay (1522-1560), poète angevin de la Renaissance et membre fondateur de la Pléiade, a marqué la littérature française par son lyrisme raffiné et son engagement en faveur de la langue vernaculaire. Orphelin jeune et de santé fragile, il trouve dans la poésie un refuge où s’expriment ses blessures intimes et ses aspirations artistiques. Son manifeste Défense et illustration de la langue française (1549), écrit avec Ronsard, défend une poésie française inspirée des modèles antiques mais libérée de leur emprise. Si ses Regrets (1558) cristallisent sa mélancolie romaine, le recueil Divers jeux rustiques (1558) révèle une facette plus légère, où le poète dialogue avec la nature et réinvente les thèmes amoureux. Le poème D’un vanneur de blé aux vents, tiré de ce recueil, transforme un geste agricole en métaphore amoureuse : le vannage du blé sous le soleil devient prétexte à offrir aux vents une couronne de fleurs fraîchement écloses (violettes, lis, roses et œillets), symbole d’une séduction à la fois rustique et éphémère. Ce dialogue avec les éléments naturels, porté par des vers musicalement enlevés, transcende le cadre pastoral pour évoquer l’éternel désir de plaire, mêlant travail et grâce poétique. Du Bellay y montre comment l’amour, même suggéré, se niche au cœur des labeurs les plus simples, offrant une pérennité fragile à travers le souffle des mots.

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