L’automne - Alphonse de Lamartine
Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !
Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire,
J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !
Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits,
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !
Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d’un regard d’envie
Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui !
Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !
Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?
Peut-être l’avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore
Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ? …
La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu’elle expire,
S’exhale comme un son triste et mélodieux.
1820 – Méditations poétiques
Je suis Alphonse de Lamartine, né en 1790 à Mâcon, poète, écrivain et homme politique français. Dès mon jeune âge, j’ai été attiré par la poésie, la nature, et la quête spirituelle, des thèmes qui traversent toute mon œuvre. En 1820, j’ai publié Méditations poétiques, un recueil qui m’a apporté une reconnaissance immédiate et où figure mon poème « L’Automne », empreint de mélancolie et de contemplation. Ce succès a marqué le début du romantisme en France et a inspiré de nombreux poètes. En parallèle de mon écriture, j’ai aussi mené une carrière politique, défendant des idéaux de liberté et de justice. En 1848, j’ai brièvement dirigé le gouvernement provisoire et plaidé pour l’abolition de l’esclavage. Mais, malgré mon engagement, je reste avant tout un amoureux des mots et de la nature, cherchant à capturer les émotions humaines dans leur plus grande profondeur.