Midi - Charles-Marie Leconte de Lisle

Midi, Roi des étés, épandu sur la plaine,

Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu.

Tout se tait. L’air flamboie et brûle sans haleine ;

La Terre est assoupie en sa robe de feu.

 

L’étendue est immense, et les champs n’ont point d’ombre,

Et la source est tarie où buvaient les troupeaux ;

La lointaine forêt, dont la lisière est sombre,

Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.

 

Seuls, les grands blés mûris, tels qu’une mer dorée,

Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil ;

Pacifiques enfants de la Terre sacrée,

Ils épuisent sans peur la coupe du Soleil.

 

Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,

Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,

Une ondulation majestueuse et lente

S’éveille, et va mourir à l’horizon poudreux.

 

Non loin, quelques bœufs blancs, couchés parmi les herbes,

Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,

Et suivent de leurs yeux languissants et superbes

Le songe intérieur qu’ils n’achèvent jamais.

 

Homme, si, le cœur plein de joie ou d’amertume,

Tu passais vers midi dans les champs radieux,

Fuis ! la Nature est vide et le Soleil consume :

Rien n’est vivant ici, rien n’est triste ou joyeux.

 

Mais si, désabusé des larmes et du rire,

Altéré de l’oubli de ce monde agité,

Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,

Goûter une suprême et morne volupté,

 

Viens ! Le Soleil te parle en paroles sublimes ;

Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;

Et retourne à pas lents vers les cités infimes,

Le cœur trempé sept fois dans le Néant divin.

 

1852 – Poèmes antiques

Portrait de Charles-Marie Leconte de LisleJe suis Charles-Marie Leconte de Lisle, né en 1818, et ma poésie est marquée par un goût prononcé pour l’exotisme, la beauté de la nature et la réflexion philosophique. Dans mon poème Midi, j’évoque l’été à travers la puissance du soleil de midi, un moment où la lumière semble atteindre son apogée et où la nature prend des accents presque surnaturels. L’été, pour moi, est un temps de force, de clarté et parfois de solitude, comme une pause où tout se fige sous l’impact de la chaleur. Dans ce poème, je cherche à décrire cette intensité, cette atmosphère presque étouffante de midi, où la nature s’impose dans toute sa splendeur et sa dureté. Midi est une réflexion sur la lumière et le silence, une sorte de méditation sur l’immensité et la beauté implacable de l’été.

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