La Bretagne - Madame Riom

Vous, peuples étrangers, vous m’appelez stérile ;

Vous dites : « Tes coteaux ne savent rien mûrir,

Tu gardes du blé noir la culture facile,

Et ne prends nul souci, même pour te nourrir.

 

Tes dolmens, tes menhirs, qu’on nous vante sans cesse,

Semblent les os flétris des siècles entassés ;

Pares-en tes chemins; secouant ta paresse,

Change ton sol aride en des sillons pressés ».

 

Lorsque vous me blâmez, nations étrangères,

Comme pour vous pour moi le temps va s’écouler;

Mes coutumes, mes lois, me restent toujours chères.

Vers quel but courez-vous? Où voulez-vous aller ?

 

Il nous faut accomplir le terrestre voyage;

Qu’importe si je dors, Dieu me réveillera,

Nul ne peut sans son ordre aborder au rivage;

A son heure, à son temps, chacun arrivera.

 

Dans mes landes en fleur, égrenant son rosaire,

La Bretonne ici-bas ne cherche pas le miel ;

Elle écoute les flots ou l’oiseau solitaire,

En berçant longuement ses doux rêves du ciel.

 

De longs tissus de lin ombrageant son visage ;

Des mystiques dolmens les signes ignorés

Se retrouvent toujours brodés sur son corsage :

Souvenirs inconscients de préceptes sacrés.

 

Parfois des pèlerins pour allumer les cierges

Sur le seuil des saints lieux on la voit tout le jour,

Et le soir, à la source, on voit mes lentes vierges

Portant la buire antique et puisant à leur tour.

 

Les genêts orangés, la bruyère écarlate,

Sur mon sol dénudé jettent la pourpre et l’or ;

La grâce du Seigneur en tous ces dons éclate.

Que puis-je demander et désirer encor ?

 

Le savoir du Breton ne comprend que son culte,

II sait diviniser tout, jusqu’à ses maux.

Comme le chêne est roi dans l’Armorique inculte,

L’esprit croît noble et fier dans le corps en repos.

 

0 nations sans foi, sans passé, sans prière,

Croyez-en mes tombeaux et mon sol tourmenté,

J’ai lutté ; dans le port j’arrive la première;

Laissez-moi dans ma paix jusqu’à l’éternité.

 

Publié en 1800 dans la Revue de Bretagne et de Vendée, p. 223

Madame Riom, poétesse française, est surtout reconnue pour ses poèmes dédiés à la Bretagne, où elle évoque avec une grande sensibilité la beauté et les traditions de cette terre. Dans son poème La Bretagne, elle répond aux critiques des nations étrangères qui jugent sa région stérile et arriérée. Elle défend son sol, riche en histoire et en symboles spirituels, et célèbre la culture bretonne, incarnée par une population fière de ses coutumes anciennes. À travers des images puissantes de dolmens, de menhirs, et de paysages bretons, elle met en lumière la pureté et la foi profonde de son peuple. Ses vers dépeignent une Bretagne sereine, où l’esprit se nourrit de la beauté naturelle et de la religion, loin des préoccupations du monde moderne. Son poème est une ode à la résistance tranquille de la Bretagne face aux changements extérieurs.

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