Aube - Arthur Rimbaud
J’ai embrassé l’aube d’été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient pas la route
du bois. J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes
se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncée au coq.
A la grand’ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre,
je la chassais.
En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu
son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.
écrit en 1872, il fait partie de son recueil Poésies, publié pour la première fois en 1886
Je suis Arthur Rimbaud, né en 1854, et ma poésie est une exploration de l’inconnu, une quête effervescente où le monde se transforme sous l’intensité de mes mots. Dans Aube, je capture ce moment fragile entre la nuit et le jour, où l’été commence à se déployer dans toute sa splendeur. L’été, pour moi, est un espace de renouveau, de sensations fortes et de ruptures. J’aime cette lumière incertaine de l’aube, comme une promesse d’aventure, un instant suspendu avant que le monde ne s’éveille pleinement. Mon poème se nourrit de cette ambivalence, où l’obscurité de la nuit laisse place à la lumière du jour, mais d’une manière presque violente, presque déstabilisante. L’été dans Aube n’est pas qu’une simple saison : c’est un état de l’esprit, une poussée vers la liberté, une révolte contre le quotidien.