Fin d’année - Emile Verhaeren
Sous des cieux faits de filasse et de suie,
D’où choit morne et longue la pluie,
Voici pourrir
Au vent tenace et monotone,
Les ors d’automne ;
Voici les ors et les pourpres mourir.
O vous qui frémissiez, doucement volontaires,
Là-haut, contre le ciel, tout au long du chemin,
Tristes feuilles comme des mains,
Vous gisez, noires, sur la terre.
L’heure s’épuise à composer les jours ;
L’autan comme un rôdeur, par les plaines circule ;
La vie ample et sacrée, avec des regrets sourds,
Sous un vague tombeau d’ombre et de crépuscule,
Jusques au fond du sol se tasse et se recule.
Dites, l’entendez-vous venir au son des glas,
Venir du fond des infinis là-bas,
La vieille et morne destinée ?
Celle qui jette immensément au tas
Des siècles vieux, des siècles las,
Comme un sac de bois mort, l’année.
1904 dans le recueil Les Villes à pignons
Je suis Émile Verhaeren, né en 1855 dans un petit village de Flandre belge. Poète de la modernité et des contrastes, j’ai longtemps oscillé entre l’ombre et la lumière dans mes écrits. Mes premiers recueils, sombres et introspectifs, comme Les Flambeaux noirs, sont nés de mes luttes personnelles, mais peu à peu, j’ai tourné mon regard vers le monde qui m’entourait, notamment les villes en pleine expansion industrielle. Fasciné par le progrès autant que par la nature, j’ai cherché à capturer la beauté de cette dualité dans des œuvres comme Les Villes tentaculaires et Toute la Flandre, où des poèmes tels que « Fin d’année » reflètent la fin de cycle et le passage du temps. Pacifiste et humaniste, je crois profondément en l’avenir et en l’énergie humaine, et j’espère que mes écrits inspirent un même souffle d’optimisme malgré les tempêtes.