Heure d’automne - Emile Verhaeren
C’est bien mon deuil, le tien, ô l’automne dernière !
Râles que roule, au vent du nord, la sapinière,
Feuillaison d’or à terre et feuillaison de sang,
Sur des mousses d’orée ou des mares d’étang,
Pleurs des arbres, mes pleurs, mes pauvres pleurs de sang.
C’est bien mon deuil, le tien, ô l’automne dernière !
Secousses de colère et rages de crinière,
Buissons battus, mordus, hachés, buissons crevés,
Au double bord des longs chemins, sur les pavés,
Bras des buissons, mes bras, mes pauvres bras levés.
C’est bien mon deuil, le tien, ô l’automne dernière ?
Quelque chose, là-bas, broyé dans une ornière,
Qui grince immensément ses désespoirs ardus
Et qui se plaint, ainsi que des arbres tordus,
Cris des lointains, mes cris, mes pauvres cris perdus.
1888 dans le recueil Les Débâcles.
Je suis Émile Verhaeren, né en 1855 dans un petit village de Flandre belge. Poète de la modernité et des contrastes, j’ai longtemps oscillé entre l’ombre et la lumière dans mes écrits. Mes premiers recueils, comme Les Flambeaux noirs, plongent dans des thèmes sombres et introspectifs, nourris par mes propres luttes intérieures. Peu à peu, fasciné par le progrès industriel, j’ai commencé à célébrer l’énergie des villes et des foules dans des œuvres telles que Les Villes tentaculaires. J’ai aussi chanté ma terre natale avec tendresse dans la série Toute la Flandre. Mon poème « Heure d’automne », extrait de Les Débâcles, explore la mélancolie de la saison et le passage du temps. Pacifiste et humaniste, j’ai toujours cru en la force de l’humanité, et j’espère que ma poésie reste un témoignage de mon amour pour la vie, même dans ses dualités.