L’automne - Anna de Noailles
Voici venu le froid radieux de septembre :
Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres ;
Mais la maison a l’air sévère, ce matin,
Et le laisse dehors qui sanglote au jardin.
Comme toutes les voix de l’été se sont tues !
Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ?
Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois
Que la bise grelotte et que l’eau même a froid.
Les feuilles dans le vent courent comme des folles ;
Elles voudraient aller où les oiseaux s’envolent,
Mais le vent les reprend et barre leur chemin
Elles iront mourir sur les étangs demain.
Le silence est léger et calme ; par minute
Le vent passe au travers comme un joueur de flûte,
Et puis tout redevient encor silencieux,
Et l’Amour qui jouait sous la bonté des cieux
S’en revient pour chauffer devant le feu qui flambe
Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes,
Et la vieille maison qu’il va transfigurer
Tressaille et s’attendrit de le sentir entrer.
1901 dans son recueil Le Cœur innombrable
Je suis Anna de Noailles, née en 1876 à Paris, issue d’une famille roumaine aristocratique. Dès mon plus jeune âge, j’ai été plongée dans un univers littéraire, influencée par ma passion pour la nature et la vie intérieure. Mes poèmes célèbrent intensément la beauté du monde, l’amour, et les mystères de la vie, comme dans mes recueils Le Cœur innombrable et Les Forces éternelles. Première femme à intégrer l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, j’ai aussi inspiré des artistes comme Proust et Colette. Avec une énergie débordante, j’ai vécu intensément, exprimant mes sentiments avec une passion que certains trouvaient presque excessive. Mon écriture, profondément lyrique et personnelle, est le reflet d’un besoin de vibrer et de partager cette flamme avec mes lecteurs, pour qui j’espère rester une source de lumière et de force poétique.