Sonnet d’automne - Charles Baudelaire
Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal :
« Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ? »
– Sois charmante et tais-toi ! Mon coeur, que tout irrite,
Excepté la candeur de l’antique animal,
Ne veut pas te montrer son secret infernal,
Berceuse dont la main aux longs sommeils m’invite,
Ni sa noire légende avec la flamme écrite.
Je hais la passion et l’esprit me fait mal !
Aimons-nous doucement. L’Amour dans sa guérite,
Ténébreux, embusqué, bande son arc fatal.
Je connais les engins de son vieil arsenal :
Crime, horreur et folie ! – Ô pâle marguerite !
Comme moi n’es-tu pas un soleil automnal,
Ô ma si blanche, ô ma si froide Marguerite ?
1861 dans la deuxième édition du recueil Les Fleurs du mal
Je suis Charles Baudelaire, né en 1821 à Paris, poète du spleen et de la beauté sombre. Très jeune, j’ai ressenti une fascination pour l’art, la mélancolie et la rébellion, des thèmes qui ont façonné mon œuvre. Mon recueil Les Fleurs du mal, publié en 1857, m’a valu succès et scandale ; j’y explore les profondeurs de l’âme humaine, ses désirs, ses angoisses, et ses excès. J’ai voulu révéler la beauté dans l’ombre, et, à travers des poèmes comme « Sonnet d’automne », j’ai célébré l’automne comme une saison de contemplation et de déclin. La justice m’a poursuivi pour outrage à la morale, mais j’ai continué à écrire, obsédé par l’idée de capturer l’instant fugace et de défier le temps. Jusqu’à la fin, j’ai cherché l’idéal et la lumière dans l’obscurité, espérant que mes mots résonneraient comme un écho des âmes tourmentées.