Juin flamboie - Charles Guérin
III
Juin flamboie. Étendu dans la prairie en fleur,
Je rêve au bord d’une eau charmante de lenteur
Où les brins d’herbe font des arches d’émeraude.
Le soleil brûle, l’air pèse, la terre est chaude.
Mon regard, attentif sous l’ombrage des cils,
Observe l’araignée à l’affût dans ses fils.
Et la ciguë avec sa blanche ombelle où bouge
Un insecte luisant et rond comme un grain rouge.
Je respire. Le vent par larges souffles lourds
Propage sur les prés des ondes de velours.
Une troupe de beaux papillons entrelace
Ses guirlandes de fleurs sans tiges dans l’espace.
L’herbe que mon œil proche explore m’apparaît
Mystérieuse ainsi qu’une obscure forêt.
Dans cette demi-nuit verte, les sauterelles
Traînent leur ventre rose et font plier les prêles.
Inquiètes devant le plus léger sillon.
Les rampantes fourmis vont en procession.
Un lézard fuit. La taupe aux mains de vieil ivoire
Creuse tenacement son antre d’ombre noire.
Mon âme se dissipe et flotte hors de temps
Dans une extase heureuse et confuse où j’entends
Vibrer d’un moucheron l’arabesque sonore.
Le parfum des foins mûrs baigne mon âme encore.
Puis, vaincu par l’immense ardeur de firmament,
Je m’endors, et mes yeux gardent en se fermant
La vision d’un clair village sur la côte,
Et du ciel bleu qui rit à travers l’herbe haute.
Dans ces jours de l’aride été, l’homme ébloui
Sent la création entière vivre en lui.
Un sang torrentiel se presse dans ses veines.
Son crâne est comme une urne où chantent des fontaines
Et sa poitrine s’enfle au rythme de son cœur.
Arôme, onde et rayon, et lumière et rumeur,
Il rêve qu’il retourne au réservoir des forces,
Qu’il n’est, substance unie aux changeantes écorces,
Qu’un atome de Pan pour une heure incarné ;
Et l’homme, ivre de Dieu, s’irrite d’être né.
1901 – dans la Revue des Deux Mondes
Je suis Charles Guérin, né en 1860, et ma poésie est une recherche constante de beauté, de lumière et d’émotion. Dans mon poème Juin flamboie, je célèbre l’arrivée de l’été avec une intensité presque palpable. Juin, pour moi, est le mois où la nature s’épanouit dans toute sa splendeur, où la chaleur du soleil embrase la terre et où l’air semble vibrer sous l’effet de la lumière. Dans ce poème, je cherche à capturer cette explosion de couleur, cette flamme qui envahit les champs, les arbres et le ciel. Chaque mot est une tentative de rendre hommage à la force de la nature, à son pouvoir de transformation. Juin flamboie est un poème vibrant, qui veut faire ressentir l’énergie de l’été, la puissance du soleil et la beauté sauvage de la saison. C’est un appel à vivre pleinement l’instant.