La promenade a la fin de l'été - Philippe Jaccottet

Nous avançons sur des rochers de coquillages, sur des socles bâtis de libellules et de sable, promeneurs amoureux surpris de leur propre voyage, corps provisoires, en ces rencontres périssables.

 

Repos d’une heure sur les basses tables de la terre.

Paroles sans beaucoup d’écho.

Lueurs de lierre.

Nous marchons entourés des derniers oiseaux de

 

l’automne et la flamme invisible des années bourdonne sur le bois de nos corps.

Reconnaissance néanmoins à ce vent dans les chênes qui ne se tait point.

 

En bas s’amasse l’épaisseur des morts anciens,

 

la précipitation de la poussière jadis claire,

 

la pétrification des papillons et des essaims,

 

en bas le cimetière de la graine et de la pierre,

 

les assises de nos amours, de nos regards et de nos

 

plaintes, le lit profond dont s’éloigne au soir toute crainte.

Plus haut tremble ce qui résiste encore à la défaite,




plus haut brillent la feuille et les échos de quelque

 

fête; avant de s’enfoncer à leur tour dans les fondations, des martinets fulgurent au-dessus de nos maisons.

 

Puis vient enfin ce qui pourrait vaincre notre

 

détresse, l’air plus léger que l’air et sur les cimes la lumière, peut-être les propos d’un homme évoquant sa

 

jeunesse, entendus quand la nuit s’approche et qu’un vain

 

bruit de guerre pour la dixième fois vient déranger l’exhalaison des

 

champs.

 

1975 dans son recueil La promenade sous les arbres.

Photographie de Philippe JaccottetJe suis Philippe Jaccottet, né en 1925, et ma poésie est une exploration profonde de la nature, du temps et de la mémoire. Dans mon poème La promenade à la fin de l’été, je parle de cette période de transition, où l’été s’efface lentement et où les signes de l’automne commencent à apparaître. L’été, pour moi, est une saison de lumière et de plein épanouissement, mais à la fin, il devient aussi un moment de contemplation, où l’on perçoit la fragilité de tout ce qui est vivant. Dans ce poème, la promenade devient un moyen de saisir cette beauté passagère, de goûter à la douceur et à la mélancolie de l’instant. J’aime capturer ces moments où le monde semble se retirer doucement, comme un souffle qui se dissipe. La promenade à la fin de l’été est une invitation à observer la fin d’un cycle et à ressentir la poésie de ce passage.

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