En hiver - Émile Verhaeren
Le sol trempé se gerce aux froidures premières,
La neige blanche essaime au loin ses duvets blancs,
Et met au bord des toits et des chaumes branlants,
Des coussinets de laine irisés de lumières.
Passent dans les champs nus les plaintes coutumières,
À travers le désert des silences dolents,
Où de grands corbeaux lourds battent l’air des vol lents
Et s’en viennent de faim rôder près des chaumières.
Mais depuis que le ciel de gris s’était couvert,
Dans la ferme riait une gaieté d’hiver,
On s’assemblait en rond autour du foyer rouge,
Et l’amour s’éveillait, le soir, de gars à gouge,
Au bouillonnement gras et siffleur du brassin,
Qui grouillait, comme un ventre, en son chaudron d’airain.
1895
Je suis , poète belge né en 1855 dans un village flamand. Fasciné par les paysages industriels et les forces de la modernité, j’ai exploré les contrastes entre le monde rural et l’expansion urbaine. Mon écriture est marquée par une quête de beauté et d’intensité dans les changements sociaux de mon époque. Dans des œuvres comme Les Campagnes hallucinées et Les Villes tentaculaires, je décris cette dualité avec passion. Influencé par le symbolisme, j’ai voulu exprimer l’essence de l’humanité face aux transformations du monde moderne.