Gelée blanche. - Camille Bias
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Oh ! ne viens pas, printanière gelée,
Vierge menteuse au voile blanc !
À ta douceur la souffrance est mêlée :
Tu sais mentir en souriant.
Quand le printemps nous jette à flots la vie,
Oh ! ne viens pas la respirer :
Ton souffle brûle ; et la terre flétrie
Meurt dès qu’il ose l’effleurer.
Déjà les fleurs entr’ouvrent leur corolle,
Déjà la tige s’enhardit ;
Et, moins craintif, le jeune insecte vole
Sur le feuillage qui grandit.
Dans nos jardins se balance l’emblème
De l’espoir et de la beauté ;
Le papillon, sur la plante qu’il aime,
Se repose avec volupté.
Au sein des prés, la pâquerette humide
Dégage son front du gazon,
Et son regard, incertain et timide,
Lit l’espérance à l’horizon.
Oh ! ne viens pas, dans ta mortelle envie
Briser l’augure des beaux jours !
Ne trouble pas l’atmosphère attiédie
Par le souffle pur des amours.
Pitié ! pitié pour l’arbre aux couleurs roses,
Espoir d’un automne lointain !
Tu brûlerais ses feuilles à peine écloses
Si tu passais encor demain.
Ce n’est point seul l’éclat d’une journée
Que ta présence peut ternir ;
C’est la richesse et l’espoir d’une année,
Jalouse, que tu viens cueillir.
Ainsi tout naît, l’homme comme la plante,
Avec l’illusion du cœur,
Qu’il flatte, hélas ! d’une main confiante,
Jusqu’à la première douleur.
Qui n’a pas vu la froide giboulée
Voiler son soleil de plaisir ?
Qui n’a pas vu la tardive gelée
Glacer ses rêves d’avenir ?
1859
Je suis Camille Bias, de mon vrai nom Désirée Joséphine Legrand, née le 24 novembre 1824 à Guise. Mon parcours d’écrivaine et de poétesse m’a vue évoluer sous un pseudonyme pour me consacrer à l’écriture tout en explorant des thèmes universels de la condition humaine. Au fil de mes œuvres, je me suis attachée à capturer des réflexions intimes et des observations de la société, enrichissant la littérature de la fin du XIXe siècle. J’ai vécu jusqu’à mes 84 ans, laissant un héritage littéraire discret mais profond.