Le jardin d’antan - Émile Nelligan
Rien n’est plus doux aussi que de s’en revenir
Comme après de longs ans d’absence,
Que de s’en revenir
Par le chemin du souvenir
Fleuri de lys d’innocence
Au jardin de l’Enfance.
Au jardin clos, scellé, dans le jardin muet
D’où s’enfuirent les gaîtés franches,
Notre jardin muet,
Et la danse du menuet
Qu’autrefois menaient sous branches
Nos sœurs en robes blanches.
Aux soirs d’Avrils anciens, jetant des cris joyeux
Entremêlés de ritournelles,
Avec des lieds joyeux,
Elles passaient, la gloire aux yeux,
Sous le frisson des tonnelles,
Comme en les villanelles.
Cependant que venaient, du fond de la villa,
Des accords de guitare ancienne,
De la vieille villa,
Et qui faisaient deviner là,
Près d’une obscure persienne,
Quelque musicienne.
Mais rien n’est plus amer que de penser aussi
A tant de choses ruinées !
Ah ! de penser aussi,
Lorsque nous revenons ainsi
Par sentes de fleurs fanées,
A nos jeunes années.
Lorsque nous nous sentons névrosés et vieillis,
Froissés, maltraités et sans armes,
Moroses et vieillis,
Et que, surnageant aux oublis,
S’éternise avec ses charmes
Notre jeunesse en larmes !
publié en 1903 dans le recueil « Émile Nelligan et son œuvre »
Je suis Émile Nelligan, né en 1879 à Montréal, et la poésie a toujours été ma façon d’exprimer mes émotions les plus profondes. Dans mon poème « Le jardin d’antan », j’évoque la beauté nostalgique du printemps et les souvenirs d’un jardin fleuri, symbole de la jeunesse et de l’innocence perdue. J’ai toujours été fasciné par la nature et la manière dont elle reflète nos états d’âme. Mon écriture est souvent marquée par la mélancolie et une certaine introspection, ce qui me permet de capturer les nuances de la vie. En tant que poète symboliste, j’aime jouer avec les mots et les images pour créer des atmosphères riches et évocatrices. À travers mes vers, j’espère inviter les lecteurs à se remémorer leurs propres souvenirs printaniers et à ressentir la beauté éphémère de la vie qui renaît chaque année.