Printemps - Victor Hugo

Tout rayonne, tout luit, tout aime, tout est doux ;

Les oiseaux semblent d’air et de lumière fous ;

L’âme dans l’infini croit voir un grand sourire.

À quoi bon exiler, rois ? à quoi bon proscrire ?

Proscrivez-vous l’été ? m’exilez-vous des fleurs ?

Pouvez-vous empêcher les souffles, les chaleurs,

Les clartés, d’être là, sans joug, sans fin, sans nombre,

Et de me faire fête, à moi banni, dans l’ombre ?

Pouvez-vous m’amoindrir les grands flots haletants,

L’océan, la joyeuse écume, le printemps

Jetant les parfums comme un prodigue en démence,

Et m’ôter un rayon de ce soleil immense ?

Non. Et je vous pardonne. Allez, trônez, vivez,

Et tâchez d’être rois longtemps, si vous pouvez.

Moi, pendant ce temps-là, je maraude, et je cueille,

Comme vous un empire, un brin de chèvrefeuille,

Et je l’emporte, ayant pour conquête une fleur.

Quand, au-dessus de moi, dans l’arbre, un querelleur,

Un mâle, cherche noise à sa douce femelle,

Ce n’est pas mon affaire et pourtant je m’en mêle,

Je dis : Paix là, messieurs les oiseaux, dans les bois !

Je les réconcilie avec ma grosse voix ;

Un peu de peur qu’on fait aux amants les rapproche.

Je n’ai point de ruisseau, de torrent, ni de roche ;

Mon gazon est étroit, et, tout près de la mer,

Mon bassin n’est pas grand, mais il n’est pas amer.

Ce coin de terre est humble et me plaît ; car l’espace

Est sur ma tête, et l’astre y brille, et l’aigle y passe,

Et le vaste Borée y plane éperdument.

Ce parterre modeste et ce haut firmament

Sont à moi ; ces bouquets, ces feuillages, cette herbe

M’aiment, et je sens croître en moi l’oubli superbe.

Je voudrais bien savoir comment je m’y prendrais

Pour me souvenir, moi l’hôte de ces forêts

Qu’il est quelqu’un, là-bas, au loin, sur cette terre,

Qui s’amuse à proscrire, et règne, et fait la guerre,

Puisque je suis là seul devant l’immensité,

Et puisqu’ayant sur moi le profond ciel d’été

Où le vent souffle avec la douceur d’une lyre,

J’entends dans le jardin les petits enfants rire.



1877 dans son recueil L’art d’être grand-père

Je suis Victor Hugo, né en 1802 à Besançon, et j’ai toujours eu une passion dévorante pour l’écriture. Mon poème « Printemps » est un reflet de ma fascination pour la nature et le renouveau. Dans ce texte, je célèbre le retour de la vie après l’hiver, évoquant la beauté des fleurs et la douceur des jours qui rallongent. J’ai souvent utilisé la poésie pour explorer des émotions profondes et des thèmes universels comme l’amour et la liberté. Mes œuvres, telles que Les Misérables et Notre-Dame de Paris, mêlent souvent engagement social et lyrisme. Même si j’ai connu des moments d’exil et de lutte, chaque expérience a nourri ma plume. J’espère que mes mots continuent à toucher les cœurs et à célébrer la beauté du monde, comme le fait « Printemps », invitant chacun à ressentir la magie de la vie qui renaît.

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