Si fruits, raisins et blés, et autres telles choses - Joachim du Bellay
Si fruits, raisins et blés, et autres telles choses,
Ont leur tronc, et leur cep, et leur semence aussi,
Et s’on voit au retour du printemps adouci
Naître de toutes parts violettes et roses :
Ni fruits, raisins, ni blés, ni fleurettes décloses
Sortiront, viateur, du corps qui gît ici :
Aulx, oignons, et porreaux, et ce qui fleure ainsi,
Auront ici dessous leurs semences encloses.
Toi donc, qui de l’encens et du baume n’as point,
Si du grand Jules tiers quelque regret te point,
Parfume son tombeau de telle odeur choisie :
Puisque son corps, qui fut jadis égal aux dieux,
Se soulait* paître ici de tels mets précieux,
Comme au ciel Jupiter se paît de l’ambroisie.
(*) avait l’habitude
Publié en 1558 dans le recueil Les Regrets
Joachim du Bellay, poète nostalgique du Val de Loire, célèbre dans Si fruits, raisins et blés, et autres telles choses la générosité de la terre et la richesse des campagnes françaises. Fidèle à son attachement aux paysages ligériens, il évoque la Loire comme une nourricière, source d’abondance et de prospérité. Son style, à la fois simple et raffiné, met en avant une vision idéalisée de la nature, loin des tourments de l’exil romain qu’il a tant regretté. Si Nantes n’apparaît pas directement dans ce poème, elle fait partie de cet ensemble ligérien que du Bellay magnifie, entre vignobles fertiles et moissons dorées. Son amour pour la douceur de vivre en bord de Loire transparaît dans chaque vers, rappelant son attachement profond aux paysages de son enfance et à la poésie pastorale qui en découle. Une ode à la beauté simple et intemporelle de la vallée ligérienne.
