Montmartre - Francis Carco
Montmartre a connu d’autre jeux,
D’autres voix, d’autres rires jeunes.
Mais cela n’importe : le jaune
Matin brille dans les carreaux.
Hélas ! l’Amour nous trompe et pleure,
Nous l’accueillons et le fêtons.
Le matin bleuit tristement,
L’horloge ne marque pas l’heure.
Ceux qui nous ont quittés sont là :
L’un chante et l’autre est près du feu.
Ils boivent et se rient entre eux
Du jour et de son mauve éclat.
Voici Mimi, Blanche et Germaine ;
La plus sévère a les yeux faits.
Le jour envahit tout à fait
Les carreaux encrassés et blêmes.
Et toi, buttée contre mon cœur,
Pauvre petite abandonnée,
Tu te plains à la dérobée
De quel cruel et doux malheur ?
Tais-toi : mes souvenirs blessés
Dorlotent tes mauvais sourires.
Je t’adorais sans te le dire.
Tu pleuras quand j’en eus assez.
O Moreau, poète ! Hégésippe !
Parle lui, tu sais consoler.
Moi, dans le matin violet,
(Jaune, bleu, mauve, violet)
Je descends en fumant ma pipe…
Date de publication inconnue
Je suis Francis Carco, né en 1886, poète des rues, des cabarets et des âmes en quête de lumière. Paris, et plus précisément Montmartre, c’est mon royaume. Dans mon poème Montmartre, j’évoque ce quartier mythique où se croisent bohème, désillusion et éclats de vie. Montmartre, pour moi, ce sont les cafés enfumés, les artistes en quête de gloire, les amours éphémères et les nuits qui s’étirent dans un mélange de rires et de tristesse. J’ai toujours été fasciné par cette atmosphère où la poésie surgit du banal, des carreaux embués, des figures oubliées par l’Histoire. Ce poème, c’est un hommage à ce Paris populaire et mélancolique, un Paris qui vit dans les marges, dans l’ombre des grandes avenues. À travers mes mots, je voulais capturer l’âme de Montmartre : un mélange d’amour, de douleur, et de nostalgie qui ne me quitte jamais.