Les étoiles filantes - Victor Hugo
I.
À qui donc le grand ciel sombre
Jette-t-il ses astres d’or ?
Pluie éclatante de l’ombre,
Ils tombent…? — Encor ! encor !
Encor ! — lueurs éloignées,
Feux purs, pâles orients,
Ils scintillent… — ô poignées
De diamant effrayants !
C’est de la splendeur qui rôde,
Ce sont des points univers,
La foudre dans l’émeraude !
Des bleuets dans des éclairs !
Réalités et chimères
Traversant nos soirs d’été !
Escarboucles éphémères
De l’obscure éternité !
De quelle main sortent-elles ?
Cieux, à qui donc jette-t-on
Ces tourbillons d’étincelles ?
Est-ce à l’âme de Platon ?
Est-ce à l’esprit de Virgile ?
Est-ce aux monts ? est-ce au flot vert ?
Est-ce à l’immense évangile
Que Jésus-Christ tient ouvert ?
Est-ce à la tiare énorme
De quelque Moïse enfant
Dont l’âme a déjà la forme
Du firmament triomphant ?
Ces feux-là vont-ils aux prières ?
À qui l’Inconnu profond
Ajoute-t-il ces lumières,
Vagues flammes de son front ?
Est-ce, dans l’azur superbe,
Aux religions que Dieu,
Pour accentuer son verbe,
Jette ces langues de feu ?
Est-ce au-dessus de la Bible
Que flamboie, éclate et luit
L’éparpillement terrible
Du sombre écrin de la nuit ?
Nos questions en vain pressent
Le ciel, fatal ou béni.
Qui peut dire à qui s’adressent
Ces envois de l’infini ?
Qu’est-ce que c’est que ces chutes
D’éclairs au ciel arrachés ?
Mystère ! Sont-ce des luttes ?
Sont-ce des hymens ? Cherchez.
Sont-ce les anges du soufre ?
Voyons-nous quelque essaim bleu
D’argyraspides du gouffre
Fuir sur des chevaux de feu ?
Est-ce le Dieu des désastres,
Le Sabaoth irrité,
Qui lapide avec des astres
Quelque soleil révolté ?
1865 – publié dans le recueil Les chansons des rues et des bois.
Je suis Victor Hugo, né en 1802, et ma poésie est un mélange de grandeur épique et de méditation profonde sur la vie humaine. Dans Les étoiles filantes, j’évoque l’été avec une vision presque mystique, en parlant de ces étoiles qui traversent le ciel nocturne, symboles de la fugacité et de l’infini. L’été, pour moi, est un moment où la nature se déploie dans toute sa splendeur, mais aussi une époque où l’on se rend compte de l’éphémérité de notre existence. Dans ce poème, les étoiles filantes sont des métaphores de ces moments précieux mais fugaces, des instants qui, tout comme l’été, laissent une trace éphémère mais intense. J’aime que mes vers soient imprégnés de cette lumière, de cette idée que tout est à la fois immense et fragile, lumineux et transitoire. Les étoiles filantes est un poème qui célèbre la beauté des choses qui passent.