La promesse des fées - Renée Vivien
Le vent du soir portait des chansons par bouffées,
Et, par lui, je reçus la promesse des Fées…
Avec des mots très doux, les elfes m’ont promis
D’être immanquablement mes fidèles amis.
Mais n’attachez jamais votre âme à leurs paroles,
Un Elfe est tôt enfui, souffle vif d’ailes folles !…
Leur vol tourbillonnait, vague comme un parfum.
Cependant tous semblaient obéir à quelqu’un.
La première portait sur son front découvert
Une couronne d’or… Son manteau semblait vert.
Et la couronne d’or, brûlant comme la flamme,
Rayonnait au-dessus d’un visage de femme.
Malgré l’étonnement d’un cœur audacieux,
Je ne pus endurer la splendeur de ses yeux…
Car j’entendais un bruit d’étreintes étouffées…
Aussi j’ai voulu fuir l’amour fatal des Fées…
Mais, devant ce bonheur mêlé d’un si grand mal,
Ne regrettais-je pas un peu l’amour fatal !
Publié en 1910 dans le recueil Dans un coin de violettes
Renée Vivien, de son vrai nom Pauline Mary Tarn (1877-1909), incarne l’audace littéraire de la Belle Époque. Née à Londres d’un père anglais et d’une mère américaine, elle s’installe à Paris à 22 ans, où elle mène une vie bohème entre voyages et salons littéraires, tout en explorant ouvertement son homosexualité dans ses vers. Héritière fortunée, elle consacre sa brève existence à la poésie, publiant des recueils comme Dans un coin de violettes (1910) où figure La promesse des fées. Ce poème mêle l’univers enchanteur des elfes et des couronnes dorées à une réflexion amère sur l’amour : les promesses des fées, « souffle vif d’ailes folles », symbolisent les passions éphémères qui hantent son œuvre. À travers des images de fuite (« j’ai voulu fuir l’amour fatal des Fées ») et de dualité (« bonheur mêlé d’un si grand mal »), Vivien traduit ses déchirements intimes, notamment sa relation orageuse avec Natalie Barney. Décédée à 32 ans, elle laisse une œuvre où l’érotisme saphique se pare de symbolisme floral, faisant d’elle une voix inoubliable des amours interdites.